Avec le développement des technologies numériques, des réseaux sociaux, ou encore de la smart-city, le débat qui fait rage actuellement est de savoir si ces nouveaux outils sont « écologiquement compatibles » et comment ils vont contribuer à la crise environnementale.
Les technologies numériques sont reconnues comme un levier de développement économique et social. Elles ont changé nos modes de vie et notre façon de travailler. Cette digitalisation a des impacts positifs au niveau environnemental comme la dématérialisation des supports, l’optimisation des bâtiments et des transports, la facilitation du travail, ect.
La transition numérique apparaît comme incontournable pour l’ensemble des pays et des entreprises, tandis que les objets et interfaces numériques irriguent peu à peu tous les aspects de la vie sociale.
Cependant, des mouvements apparaissent pour mettre en évidence l’impact environnemental de l’informatique.
En effet, nous sommes confrontés à deux grandes transformations, celles du passage de l’analogique au numérique et celle du passage de l’usage pérenne de notre planète à un usage durable. La première transition, numérique, doit venir appuyer la seconde, environnementale.
Selon Lorenz Hilti, fondateur de la communauté ICT4S, pour parvenir à cette double transition, nous devons dématérialiser nos économies. Il faut produire plus de valeurs en utilisant moins de ressources. Nous devons nous satisfaire de moins, ralentir, moins nous déplacer et apprendre à mieux recycler nos matériaux. Le numérique doit être un facilitateur pour résoudre ces défis, mais ce n’est pas encore le cas car nous utilisons ces technologies de façon erronée.
A lire : 26 actions concrètes pour faire converger numérique et écologie, Le livre blanc « numérique et environnement ».
L’impact environnemental de l’informatique
A l’échelle planétaire, l’empreinte environnementale du numérique équivaut à un continent de 2 à 3 fois la taille de la France et à 5 fois le poids du parc automobile français. Aujourd’hui, c’est incroyable, mais l’IT émet plus de gaz à effet de serre que l’ensemble du trafic aérien.
On entend souvent parler de l’énergie utilisée pour le refroidissement des data centers, mais cette question est moins problématique que par le passé. Le matériel a beaucoup évolué et peut supporter un niveau de température et un taux d’humidité plus élevés.
Mais même si l’efficacité énergétique des technologies digitales a effectivement progressé ces dernières années, la démultiplication des usages des TIC, l’explosion des usages vidéo (skype, streaming, etc) et la multiplication des périphériques (fréquemment renouvelés) invitent à dresser un tableau alarmant. La demande globale d’énergie pour les nouvelles technologies a augmenté bien plus que l’amélioration de l’efficience énergétique des tous les appareils impliqués (centre de données, réseaux et appareils compris).
C’est l’effet rebond.
Et si on analyse les sources des impacts environnementaux, le plus gros de la pollution vient de l’extraction des matières pour pouvoir créer des ordinateurs et interfaces. Puis vient la fin de vie des outils informatiques et ensuite seulement l’impact direct de leur utilisation. On jette du matériel encore fonctionnel et même si on le recycle, les matières premières ne peuvent souvent pas être réutilisées.
Selon David Li, un des responsables de Hacked Matter, on produit dans le monde 40 millions de tonnes de déchets électroniques par an. Le coût environnemental et humain du traitement de ces déchets est terrible. Entre 70 et 90% du tonnage des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) ne sont pas recyclés.
A lire : Un numérique “écologique by design”, La Fing.
Relever le défi d’un numérique “écologique” ?
Green IT (ou green computing)
Ce concept a pour objectif de réduire l’empreinte carbone générée par les systèmes d’information des entreprises tout en leur permettant de réaliser des économies. Il tente de concilier des approches d’optimisation (limiter l’empreinte des produits et services existants) et d’explorer de nouveaux modèles d’éco-conception et d’usage.
Il s’agit d’une manière globale et cohérente de réduire les nuisances rencontrées dans le domaine des équipements informatiques et ce, aux différents stades de fabrication, d’utilisation (consommation d’énergie) et de fin de vie (gestion/récupération des déchets, pollution, épuisement des ressources non renouvelables).
Parmi les propositions, il s’agit par exemple de réduire le nombre d’écrans plats en les remplaçant par d’autres dispositifs d’affichage (vidéo projecteurs LED) et en les mutualisant avec les écrans existants (smartphones, ordinateurs, etc.), augmenter la durée de vie des équipements en allongeant la durée de garantie légale, favoriser le réemploi ou encore réduire les besoins des services numériques via leur éco-conception.
En synthèse, adopter une attitude éco-responsable en matière d’IT.
A lire :
Green IT, diminuer l’impact énergétique de l’informatique en entreprise, UCM avec GreenIT.fr et Novatris Solutions.
Le green IT, un marché à créer en Belgique.
La sobriété numérique
En matière de sobriété, le Shift Project propose un scénario « Sobriety » qui, sans remettre en cause la transition numérique dans son principe, ne suffit pas lui seul à réduire l’empreinte environnementale numérique, mais permet simplement d’éviter son explosion.
Une transition numérique sobre consiste essentiellement à acheter les équipements les moins puissants possibles, à les changer le moins souvent possible et à réduire les usages énergivores superflus. Il s’agit donc d’une approche « lean », soit au plus juste, source d’efficacité pour les organisations.
Réduire l’empreinte énergétique et environnementale du numérique passe par exemple par un retour à une capacité à interroger l’utilité sociale et économique de nos comportements d’achat et de consommation d’objets et de services numériques ; l’intégration des impacts environnementaux comme critères de décision dans les politiques d’achat des équipements numériques ; en matière de data, appuyer la mise en place d’une base de données publique (sur le modèle de la base carbone de l’Ademe) pour permettre aux acteurs d’analyser leur impact environnemental ; un bilan carbone des projets numériques, pour inclure cette donnée dans l’analyse, etc.
A lire : Lean ICT, pour une sobriété numérique, The Shift Project.
Le référentiel environnemental du numérique (REN)
Cet outil donne, de manière accessible, des ordres de grandeur vérifiés sur l’énergie et les matières premières mobilisées par la production et l’utilisation de technologies numériques courantes, tant en phase de production que de consommation.
A lire : Le Référentiel Environnemental du Numérique. Entreprise et sobriété.
Et la Smart-City ?
Aujourd’hui, la ville intelligente a encore (trop) l’image d’une ville ultra-connectée où la technologie est le nœud et le remède.
Les solutions technologiques doivent permettre d’aller plus loin dans les questions d’optimalisation des systèmes urbains et territoriaux. Elles vont profondément faire changer nos habitudes, diminuer l’impact des transports et du chauffage domestique, réduire la consommation d’énergie globale et améliorer la mobilité de chacun … mais la ville du futur est avant tout une ville durable, participative et orientée vers l’humain.
Tout est donc question d’équilibre entre l’utilisation du numérique et l’impact des décisions sur l’environnement. C’est l’homme qui posera ces choix, à lui d’être intelligent.
Et comme le dit Daniel Sperling, « l’écologie du numérique reste à construire et avec elle celle de la Smart City ». La question est donc d’inventer la ville intelligente connectée « juste ce qu’il faut ».